Aurélie Wouanti sur les traces de Keylor Navas
Pourtant bien partie pour faire valoir ses compétences ailleurs après une licence nationale en Droit privé délivré par l’État béninois ou encore à exercer en tant que guide touristique, Aurélie Adelaïde WOUANTI guide plutôt aujourd’hui le cuir rond dans les 7m32. Surprenant n’est-ce pas? Agée seulement de dix-huit (18) ans en 2021, celle qui a vu le jour dans la ville capitale du Bénin (Porto-Novo) est internationale béninoise et gardienne de but à Espoir FC de Cotonou (D1). Dotée d’un réflexe inouï à vite lire le jeu des adversaires, sa parade de grande classe, ses détentes et mêmes ses relances sont de nature à anéantir les efforts de l’attaque d’en face. Du haut de ses 1m60 pour 53 kg, Aurélie inspire confiance et sérénité dans les cages. Alors que le soleil s’apprêtait à rejoindre le coucher en ce début de soirée, visage crispé sans nul doute sous le poids de la fatigue, des joues et l’avant-bras couverts de sueur et de sable, les chaussettes sur l’épaule gauche, des crampons attachés au cours, le sac au dos entrouvert laissant voir une bouteille d’eau vide, à peine nous a-t-elle vu qu’elle lâcha « Héé LiveBénin… vous êtes à l’heure-là! ». Nous étions au stade René Pleven d’Akpakpa. Il est bientôt 18h après un soleil ardent quand nous avons sorti notre micro !
LiveBénin : Le football au départ n'était pas une priorité pour toi, d'où est donc partie cette idée?
Aurélie WOUANTI : J'étais une fois en salle lorsqu’un communiqué est passé et qui disait que les filles qui désirent jouer au football sont invitées le mercredi soir pour commencer les entraînements avec des blanches venues l'Allemagne. Je me suis donc inscrite. D'abord, le football était une activité qui me passionnait et une fois que j'ai eu l'occasion, je me suis lancée et voilà comment j'ai commencé. Ensuite j'ai répondu présente à la séance. Le début ne me motivait pas mais je prenais ça comme un instrument de distraction au lieu de la danse traditionnelle que j'aimais. Puis j'ai commencé par m'habituer et laisser la danse pour le football.
Livebenin: Un rêve devenu une réalité, à qui le dois-tu?
Aurélie Wouanti: D'abord, je vais remercier Carmen Crumbach qui avait avancé cette idée à son arrivée au Bénin pour un stage après sa bourse. Elle a cru en moi et m'a donné le nécessaire pour continuer même après son départ. Et aujourd'hui si je suis là c'est grâce en grande partie à elle puisqu'elle m'a forgé et après son départ je n’ai pas baissé les bras, j'ai continué. Et je ne compte pas m'arrêter sans l'avoir honorée.
Livebenin: Tu as choisi de réaliser tes rêves de footballeuse en étant gardienne de but. Penses-tu que c'est le poste convenable pour toi?
Aurélie Wouanti: Le poste de gardienne de but n'était pas au départ mon choix. Mais il n'y avait personne à ce poste et je me suis proposée, c'est ainsi que j'ai commencé et aujourd’hui je ne regrette pas ma décision puisque je m'y sens bien et je l'exerce autant que je peux.
Livebenin: Que retenir aujourd’hui de ta jeune carrière ?
Aurélie Wouanti: Au début j'étais avec Perce Filet de Natitingou. Après le départ des stagiaires, j'ai rejoint Lionnes FC de Natitingou où j'ai été vraiment formée. J'ai appris le maximum de mon poste de gardienne de but en étant dans ce club. J'ai été souvent sollicitée par d'autres clubs comme Lionnes d'Akpakpa (Cotonou), Galaxie (Parakou), Dinosaure (Parakou), pour des tournois et des matches amicaux. Avec mon club formateur, nous avons participé à plusieurs championnats D2, D1 et même des tournois où nous avons remporté plusieurs trophées que nous dédions chaque fois à notre présidente qui œuvre pour le foot féminin et à qui je dis au passage merci pour tout. C'est en étant avec mon club formateur que j'ai eu ma première sélection en équipe nationale junior en 2019. Après le club de première division qui est Elite AC j'ai progressé encore vers le sud pour continuer l'aventure en championnat national avec espoir FC club de première division. En 2020, j'ai décidé de quitter Natitingou pour Parakou afin de poursuivre mes entraînements avec Élite Atlétic club de Parakou où j'ai livré des matches amicaux et avec ce club nous avions remporté le trophée national du Bénin à l’occasion de la Journée Internationale de la Femme en mars 2021.
Livebenin: Comment as-tu vécu l’expérience en sélection nationale ?
Aurélie Wouanti: D'abord, il faut notifier que ça n'a pas été facile puisqu’au départ, il y avait plusieurs autres gardiennes et il en fallait juste quatre, soit deux pour les seniors et deux pour les juniors. Et je remercie au passage ceux qui ont cru en moi car tout s'est bien passé. Ensuite, avant de partir il y a mon coach formateur qui me soulignait que je vais non seulement représenter mon club mais aussi mon pays, alors il faut que je me donne à fond et je lui ai dit de ne pas s’inquiéter. Avec les coéquipières au départ, ce n'était pas facile de s'adapter vu que nous venons toutes de différents endroits mais par la suite nous avons su nous comprendre et voilà nous avons démarré l'aventure. Personnellement pour le premier match au cours duquel j'ai fait la deuxième partie au Burkina-Faso, nous étions menées au score et j'ai été prise par la main par mon coach Ouzérou et madame Boni Nadège qui m'ont dit qu’ils avaient confiance en moi et souhaitaient que je me fasse plaisir. C’est ainsi que j'ai pu garder la première place. Enfin, l'aventure a été belle puisque j'ai encore appris beaucoup de mes adversaires qui étaient de taille, de mes coéquipières et je pense qu’avec la volonté que j'ai de bien faire, j'y parviendrai.
Livebenin: Quelle est ta propre source de motivation ?
Aurélie Wouanti: C'est d'abord la passion que j'ai pour le football, la volonté de bien faire le travail et de bien le faire comme mon idole Navas (Keylos Navas, gardien du PSG, nationalité : Costa-Rica ndlr) qui ne cesse de m'impressionner chaque fois. Voilà pourquoi je respecte les heures de travail individuel et en groupe également.
Livebenin: Quels sont tes objectifs à court et à long termes ?
Aurélie Wouanti : À court terme, je dirai d'abord que mon premier objectif est de servir les clubs ensuite mon pays. À long terme : c'est de faire valoir mon talent dans d'autres pays tout en répondant présente dès que mon pays aura besoin de moi.
Livebenin: Penses-tu que le football pourra te nourrir ?
Aurélie Wouanti: Vouloir c'est pouvoir. Si aujourd'hui j'ai tout abandonné pour le football, c'est parce que j'ai confiance en moi et aussi en mon talent. Aujourd'hui, si le football nourrit de grands joueurs, pourquoi pas moi ? Je travaille pour ça tout simplement.
Livebenin: Que feras-tu si un jour tu devrais apporter une touche au foot féminin ?
Aurélie Wouanti: Ce serait un plaisir d'abord pour moi de partager mon savoir mais aussi d'aider celles-là qui veulent faire carrière mais ne disposent pas des moyens pour le faire. Je suis sûre que je le ferai sans arrière-pensée pour les orphelins qui en voudront aussi.
Livebenin: La vie au foyer et ta carrière de footballeuse, comment penses-tu les concilier en tant que femme ?
Aurélie Wouanti : Pour le moment le foyer ne fait pas vraiment partie de mes plans. J’ai une programmation que je suis et si je continue sur cette lancée, je crois que j'y parviendrai. Il y a ma mère qui me dit souvent : ma fille, si tu penses aux hommes actuellement ta carrière est foutue et ne reviens pas pleurer sur mon épaule, comme j'ai l'habitude de le faire quand je me sens mal (rire). Mais pour elle je fais le possible. Si par la suite je me décidais à fonder une famille, je pense que ce sera avec une personne qui saura me soutenir dans mon métier et dans ma carrière.
Livebenin: Pourquoi avoir choisi Keylor Navas comme idole ?
Aurélie Wouanti: C’est un grand gardien tout simplement, trois ligues des champions à son actif. Navas n'a jamais cessé de m'impressionner. J'aime ses parades, sa lecture de jeu, sa volonté de bien faire. J'aime simplement tout chez lui. Il n'est pas grand de taille mais cela ne lui pose pas de problème puisqu'il fait son job.
Livebenin: Que veux-tu qu’on te souhaite pour la suite de ta carrière ?
Aurélie Wouanti: Que les bonnes portes soient ouvertes, une bonne chance pour la suite de ma carrière et que le meilleur soit. Soutenez-moi autant que vous pouvez, je promets de ne pas vous décevoir.
Livebenin : Merci pour cet entretien.
Aurélie Wouanti: C'est moi qui vous remercie.
Pascal Abihona
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